Protégé pendant des décennies, l’abus sexuel dénoncé d’un dirigeant de yoga est enfin épinglé

[Traduction en français via deepl.com]

Dans le dernier épisode du monde du yoga #MeToo, des militants s’insurgent contre l’institution spirituelle qui les a laissés tomber.

 

Matthew Remski – Mercredi 11 mars 2020

Image: Tessa Modi 

 

En janvier, j’ai rapporté que l’un des empires de yoga les plus célèbres au monde avait été ébranlé par un seul post sur Facebook. Julie Salter, 63 ans, avait mis à plat la marque de yoga Sivananda en écrivant que son saint fondateur, Swami Vishnudevananda, l’avait abusée sexuellement et physiquement pendant les 11 années qu’elle avait passées comme assistante personnelle non rémunérée, avant sa mort en 1993. L’organisation a réagi en lançant une enquête indépendante, et des centres individuels débattent de l’opportunité de retirer le portrait du gourou de ses autels dans le monde entier. Mais ils ont également publié des réaffirmations de sa sagesse sur les médias sociaux et vont de l’avant avec un projet visant à publier davantage de ses sermons archivés.

Mais les alliés de Salter qui s’identifient encore au yoga Sivananda ont adressé une réprimande surprenante à leurs anciens dirigeants. Ils ont rejeté les termes et la portée de l’enquêteur nommé par Sivananda et ont lancé leur propre enquête financée par la communauté, appelée “Projet SATYA”. (“Satya” est un terme sanskrit pour “vérité” ; l’acronyme signifie Sivananda Accountability Truth-Seeking Yogic Action). L’effort de bricolage est comme les catholiques de Boston qui embauchent leurs propres détectives pour enquêter sur les abus dans leur archidiocèse. À ce jour, SATYA affirme avoir reçu 19 plaintes et avoir mené à bien sept entretiens officiels. Pour les dissidents de Sivananda (“Shee-vuh-nan-da”) – comme pour les activistes qui ont suivi le procès de Harvey Weinstein – le témoignage de Salter sur son célèbre agresseur n’est pas une histoire de crimes passés. Il met en lumière un réseau vivant de complicité et de dissimulation qui a ouvert la voie à un dirigeant actuel de l’organisation Sivananda, Thamatam Reddy, 53 ans, pour imiter la corruption du fondateur.

L’histoire de Salter est devenue emblématique d’un déluge de crises d’abus institutionnels dans le monde non réglementé du yoga, où des patriarches charismatiques ont régulièrement assumé un contrôle spirituel sur le corps et le travail de leurs fidèles, grâce à des modes cultuels classiques de tromperie et de manipulation. Il est également devenu une étude de cas pour savoir si le mouvement #MeToo peut mobiliser les communautés contre les institutions qui, selon elles, n’ont pas réussi à les protéger.

La Yoga Alliance – le plus grand organisme d’accréditation à but non lucratif en dehors de l’Inde – s’est battue pendant des décennies pour résoudre les scandales industriels. Alors qu’une autre série de révélations d’abus atteignait son apogée en janvier 2018, Shannon Roche, alors directeur des opérations, a fait des aveux collectifs dans un message vidéo diffusé à plus de 100 000 membres, dont Reddy.

“Il y a un modèle profondément troublant d’inconduite sexuelle au sein de notre communauté”, a déclaré Roche, “un modèle qui touche presque toutes les traditions du yoga moderne. Chaque être humain mérite de pratiquer le yoga sans être victime d’abus, de harcèlement et de manipulation. En l’honneur de ceux qui ont pris la parole, et en l’honneur de ceux qui ont été trop blessés pour parler, nous devons commencer quelque part, et nous devons commencer maintenant”.

“Presque toutes les traditions” n’est pas une exagération. À ce jour, trois des écoles de yoga mondiales inspirées par la mission de Swami Sivananda dans les années 1930 (l’une d’entre elles étant le yoga Sivananda) sont maintenant connues ou supposées avoir été dirigées par des prédateurs sexuels. Seize femmes ont décrit Pattabhi Jois, le défunt fondateur du Ashtanga yoga, les agressant ou les violant numériquement sous le couvert d'”ajustements”. Le monde international Iyengar lutte pour dépouiller un enseignant de haut niveau, Manouso Manos, de son capital social tenace, après qu’une enquête interne ait révélé une histoire d’agression de plusieurs décennies. Bikram Choudhury, fondateur du yoga chaud, a été accusé de viol et d’agression sexuelle par plusieurs femmes. En janvier, Pamela Dyson, ancienne secrétaire de feu Harbhajan Singh Khalsa, connu sous le nom de “Yogi Bhajan” et fondateur du Kundalini yoga, a publié ses mémoires. Il s’ouvre sur sa description d’une hémorragie presque complète dans un avion, assise à côté de Khalsa, causée par l’avortement qu’elle avait subi quelques mois auparavant en Inde. Khalsa était le père. Elle se réveille dans un hôpital londonien en se demandant si elle doit prendre le risque de parler de l’avortement au personnel, sachant que cela exposerait Khalsa comme une fraude. Il se retourne vers elle et lui dit de prier.

 

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Pour le premier reportage de GEN, j’ai interviewé Salter et deux autres femmes sur leur expérience avec le supposé célibataire Vishnudevananda – né Kuttan Nair – qui a été salué pendant des décennies comme l’une des lumières du boom mondial du yoga. Pamela Kyssa a décrit Nair en train de la violer, et Lucille Campbell a décrit Nair en train de l’abuser sexuellement, en étant témoin d’un cas d’abus sexuel contre une autre, et en entendant d’autres étudiants parler de leurs expériences d’abus. Parmi les autres personnes interrogées figurent deux femmes qui ont accusé Reddy, l’un des principaux protégés de Nair, de harcèlement et d’abus sexuels lors d’incidents remontant à 2011. Selon une déclaration par courriel du porte-parole de Sivananda Yoga, Jonathan Goldbloom, Reddy a “nié avec véhémence” ces histoires. Depuis la publication, deux autres femmes ont apporté des témoignages d’abus sexuels de la part de Reddy.

Lydia Coquet, 46 ans, décrit Reddy qui l’a abusée sexuellement en 2000 dans l’ashram du sud de l’Inde où il dirigeait une formation d’enseignant. Dans une interview, Coquet a déclaré que Reddy flattait ses postures de yoga et son corps, disant que son teint olive et ses cheveux foncés lui donnaient l’air d’une “belle Indienne”. Mais pendant qu’elle s’occupait de sa fille dans le cadre de ses tâches non rémunérées à l’ashram, il lui ordonnait de se rendre dans sa chambre la nuit. Elle se souvient d’avoir été embrassée et touchée. “Nous n’avons pas eu de rapports sexuels, mais nous étions assez proches”, dit-elle en se rappelant de nombreux cas. Coquet était confuse quant à l’éthique de cette pratique, quant à la règle selon laquelle les étudiants et le personnel devaient être célibataires à l’ashram, et quant au portrait du gourou de Nair, Swami Sivananda, accroché au-dessus du lit de Reddy. C’était encore plus confus, dit-elle, car Reddy était en position de leader, et son personnel indien louait tous sa vertu. Elle ne savait pas que Reddy était encore marié. Coquet avait peur qu’il la renvoie de son poste si elle n’obéissait pas. Elle est revenue nuit après nuit, comme il l’avait demandé. Cela réduisait son sommeil à quelques heures par nuit, ce qui rendait ses tâches quotidiennes difficiles. Elle avait peur de parler à quelqu’un de ce qui se passait.

“Je me suis évanouie ou quelque chose comme ça pendant le cours d’asanas”, dit-elle, se rappelant sa fatigue larmoyante pendant qu’elle pratiquait le yoga sous la direction de Reddy. “Je me suis levée du sol et il est venu à moi… ‘Tu es juste trop faible, trop émotive'”, se souvient-elle. Après cela, dit Coquet, Reddy l’a ignorée. Par courriel, Goldbloom a écrit que l’organisation n’avait pas encore entendu cette allégation. “Nous encourageons la plaignante à porter cette affaire à l’attention de Mme Plamondon”, écrit-il, en nommant l’enquêteur indépendant nommé par Sivananda yoga.

Un deuxième témoignage contre Reddy provient d’une femme qui était mineure au moment des incidents. Certains détails de son expérience ont été publiés pour la première fois dans Le Devoir de Montréal le 26 février, sous le pseudonyme de “Nadine”, que j’utiliserai également ici, car elle souhaite protéger sa vie privée et celle de sa famille. Nadine décrit Reddy qui l’a agressée et harcelée sexuellement dans les années 1990, alors qu’elle avait entre 12 et 17 ans. Lors d’entretiens menés en janvier et février, Nadine et ses parents m’ont dit que deux membres actuels du conseil d’administration de Sivananda avaient été informés de l’histoire de l’agression il y a près de 20 ans. L’un d’entre eux, Mark Ashley, faisait encore partie du conseil d’administration de Sivananda lorsque Reddy a été promu au conseil en 2016 et il y siège toujours aujourd’hui. Il n’a pas répondu à une demande directe de commentaires par e-mail, ni à une demande faite au conseil d’administration.

Reddy est actuellement en Inde, où Sivananda entretient plusieurs ashrams. Après que j’ai demandé à Reddy et au conseil d’administration de commenter les histoires de Coquet et Nadine, le conseil a publié une déclaration sur Facebook indiquant que Reddy faisait l’objet d’une enquête interne. Une déclaration ultérieure a indiqué qu’il avait été relevé de ses fonctions de direction et d’enseignement. Une déclaration de Goldbloom a confirmé que Reddy faisait l’objet d’une enquête, et a ajouté qu'”il est inapproprié pour la direction de l’ISYVC [International Sivananda Yoga Vedanta Centres] de faire des commentaires alors que ce processus est en cours”.

Selon une journaliste de We the Women, un organe d’information féministe d’Asie du Sud, Reddy a brusquement annulé un événement public prévu pour le 16 février au Centre Sivananda de Delhi. La journaliste avait prévu de lui demander de commenter devant la caméra les témoignages publiés dans GEN, ainsi que ses propres recherches. Un membre du personnel de la réception a confirmé l’annulation et a déclaré que Reddy était en route pour Chennai. Reddy n’a pas répondu à cinq demandes de commentaires.

 

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Au sein de Sivananda, Reddy est connu comme un bourreau de travail pour l’héritage de Nair et un canalisateur charismatique de sa volonté posthume. Il est considéré comme une bénédiction d’étudier avec lui ou de participer aux programmes de formation lucratifs qu’il dirige. Sur le circuit des ashrams de Sivananda, Reddy porte le nom spirituel de “Prahlāda” – un prince de la mythologie indienne qui survit aux nombreuses tentatives de suicide de son père maniaque et qui grandit pour devenir le souverain vertueux et populaire du royaume.

La partie prince correspond : Les anciens membres décrivent Reddy comme une personne éternellement jeune et énergique, mais aussi, tour à tour, accessible et distante, enjouée et impérieuse. Mais il n’est pas la figure de proue iconique qu’était son mentor Nair. Pour le monde extérieur, il est une ardoise vierge. Son inscription sur le registre international de la Yoga Alliance est vide et, contrairement à presque tous les professionnels du yoga de son statut et de son influence, il n’a aucune présence dans les médias sociaux. Il a tenu une maison à Toronto et a enseigné le yoga au centre Sivananda de Toronto pendant des décennies, et pourtant il est pratiquement inconnu dans le milieu du yoga de la ville. Alors que Nair a passé sa carrière à faire passer son message messianique et à renforcer son image publique par des événements de célébrités et des cascades publicitaires, Reddy a réussi à se tenir derrière les rideaux et à tirer les leviers. Un initié, qui n’a pas souhaité être nommé, l’a qualifié de “brillant administrateur… l’un des meilleurs que j’ai rencontrés dans ma carrière”.

Les nouveaux récits d’abus, ajoutés à ceux qui ont été signalés précédemment, indiquent que Nair a laissé à Reddy et à ses collègues plus qu’une simple licence pour imprimer de l’argent pour le yoga. Nair a également laissé, semble-t-il, la possibilité d’une prédation normalisée, d’une dissimulation et d’une hypocrisie spirituelle. Des entretiens suggèrent que deux membres du conseil d’administration ont pu être au courant du témoignage de Nadine contre Reddy au début des années 2000, et ne l’ont pas expulsé de l’organisation. Une autre interview suggère qu’en 2006, Reddy a à son tour couvert l’un de ces mêmes membres du conseil d’administration lorsqu’il a été accusé d’agression sexuelle. Si l’on additionne tout cela, les abus dans le yoga Sivananda semblent systémiques, intergénérationnels et organisés. Ils ont déchiré le tissu de la communauté ayant contribué à construire sa vision utopique, et ont laissé certains adeptes de longue date dans l’ignorance.

Lara Marjerrison est une étudiante Sivananda depuis près de deux décennies. Les ashrams, explique-t-elle, lui ont toujours servi de refuge contre les abus qu’elle a subis et de refuge pour son jeune fils. “Ma toute première réaction a été de ne rien ressentir”, m’a dit Marjerrison au téléphone depuis Toronto lorsqu’on lui a demandé comment elle se sentait en entendant les rapports sur Reddy. “C’est ce que j’ai fait quand j’étais enfant et que j’étais en danger – c’est-à-dire ne rien ressentir, ne rien dire – parce que les conséquences de dire quelque chose étaient si terrifiantes à l’époque”.

Marjerrison a commencé à amener son fils au siège mondial de Sivananda à Val Morin, au nord-ouest de Montréal, à l’âge de huit ans. Elle est l’un des nombreux membres de la communauté à qui j’ai parlé et qui ressentent le choc se transformer en rage. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle ressentait pour Reddy, elle s’est adressée directement à lui. “Tu m’as trahie”, a-t-elle dit. “Tu as menti. Tu as causé du tort à des personnes innocentes. Comment ai-je pu te faire confiance ? Je t’ai fait confiance avec mon enfant. Je croyais que cet endroit était le plus sûr au monde. Il était à l’abri de toutes ces choses dont j’ai passé ma vie à essayer de m’éloigner.”

Cherchant à panser les plaies, les dirigeants de Sivananda ont lancé leur enquête indépendante le 21 janvier, en engageant Marianne Plamondon du cabinet d’avocats Langlois à Montréal. Son mandat initial était d’enquêter sur les comptes de Salter, Kyssa et Campbell. Par courriel, Marianne Plamondon a déclaré qu’elle ne pouvait pas commenter l’enquête. Le 11 février, Salter et Kyssa ont reçu un courriel de Plamondon déclarant que “le premier objectif de ce processus est de rechercher la vérité, de déterminer si Swami Vishnudevananda a commis les actes allégués”. Le courriel présumait que les femmes voudraient la rencontrer. Par courrier électronique, Salter, Kyssa et Campbell ont toutes déclaré qu’elles refuseraient de rencontrer Plamondon. Mais elles continuent à se parler entre elles et avec d’anciens membres de Sivananda.

Elles parleront aussi, disent-elles, au projet SATYA. Au cours de ses trois premières semaines, la campagne GoFundMe pour le soutenir a permis de récolter près de 11 000 dollars sur les 20 000 dollars prévus, et de nombreux dons ont été faits à la manière de Bernie Sander, par tranches de 25 dollars ou moins. La copie de la collecte de fonds affirme que les cadres de Sivananda étaient conscients des abus pendant des années et n’ont pas agi et que le champ d’application de Plamondon n’aborde pas les questions de “complicité potentielle” des membres de l’exécutif. Par courriel, Mme Salter a fait part de son espoir que le projet “contribue à une plus grande clarté, à la vérité – et à la guérison pour tous – dans un contenant vraiment sûr”.

 

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Après que Julie Salter ait publié son témoignage en décembre 2019, elle a demandé l’aide d’anciens amis et de personnes de confiance. L’un d’eux était Danny Kastner, qui, en tant qu’avocat de première année, a représenté sa demande d’indemnisation après qu’elle ait quitté le groupe dans la pauvreté et la mauvaise santé. Kastner a assuré Salter de son soutien pour l’avenir. Lorsque je l’ai contacté plus tard pour vérifier les détails de son travail juridique pour Salter, il m’a dit qu’il avait grandi dans le yoga Sivananda, qu’il s’était éloigné du groupe lorsqu’il était jeune adulte, et a suggéré que l’histoire de Salter n’était que la partie émergée d’un iceberg.

Après notre échange, Kastner a appelé Nadine, une de ses meilleures amies des étés qu’il a passés dans le camp pour enfants du groupe à Val Morin, à 60 miles au nord-ouest de Montréal. Il avait été témoin de son histoire depuis qu’ils étaient adolescents, un quart de siècle auparavant. Il lui a parlé de mon enquête et lui a donné mes coordonnées. L’une des premières choses que Nadine a dites lorsque je lui ai parlé au téléphone à la mi-janvier a été qu’elle était choquée d’apprendre que Reddy abusait d’autres personnes, sans parler de ce qui s’est passé récemment. Elle avait toujours pensé qu’elle était la seule, et que c’était de l’histoire ancienne.

Aujourd’hui âgée de 39 ans, Nadine avait huit ans en juillet 1989, l’été où ses parents l’ont amenée pour la première fois au camp pour enfants. Maman et papa s’intéressaient au végétarisme, au yoga et à la méditation, et cela semblait être une escapade familiale saine. En tant qu’instituteurs, ils étaient recrutés pour s’occuper des enfants et superviser les activités. Les enfants du camp étaient une bande internationale – d’Israël, de Russie, de Hongrie – et leur camaraderie naturelle semblait refléter le message universaliste du yoga de Nair. Ils dormaient à environ 12 sous une tente, séparés par sexe et groupés par âge. Ils faisaient du canoë et se promenaient dans les forêts. Mais ils suivaient également un horaire discipliné qui reflétait le programme adulte de séances quotidiennes de yoga et de méditation. Nadine se souvient que le premier juillet et les cinq qui ont suivi ont été les moments forts de son année, chaque année.

Nadine raconte que lorsqu’elle a eu 12 ans, le simple plaisir du Kid’s Camp a commencé à être éclipsé par des rencontres de plus en plus confuses avec Reddy, un membre éminent du personnel de 26 ans à l’époque. Au mois d’août, sa famille restait à l’ashram pour terminer ses tâches. Nadine, l’une des seules enfants à rester, a été affectée au bureau de Reddy.

“Je ne me souviens pas comment cela a commencé”, dit Nadine. Elle a décrit qu’à un moment donné, il est devenu courant pour Reddy de demander à la masser, et elle s’y pliait. “Je me souviens que cela semblait normal. Ça ne semblait pas bizarre.” Nadine a expliqué qu’il y avait une culture du toucher et du massage innocent chez les adolescents et pré-adolescents de l’ashram. Pendant un certain temps, dit-elle, le comportement de Reddy semblait s’inscrire dans ce spectre. Mais elle se souvient aussi d’un sentiment de malaise quand ils étaient seuls et de l’étrange sensation qu’il lui touchait les fesses. “J’avais l’impression que j’étais censée l’accepter”, dit Nadine. “Mais je n’aimais pas ça.”

Nadine se souvient également que les conversations inappropriées à son âge sont devenues monnaie courante. Reddy faisait l’éloge de son corps, disait Nadine, et lui racontait les choses qu’il avait faites avec d’autres femmes. Il la complimentait pour son travail acharné, la comparant favorablement à d’autres filles, qu’il rabaissait. Tout cela était très inconfortable, a dit Nadine. “Mais j’ai aussi ressenti un sentiment d’importance. J’ai eu l’impression que s’il partageait tout avec moi, c’est que je devais être très mature”, a-t-elle poursuivi. À l’époque, Nadine a déclaré que Reddy était “extrêmement populaire”. Il est très charismatique. Alors tous les enfants – ils voulaient être proches de lui”.

Nadine a déclaré que l’audace de Reddy s’est accrue avec le temps. Il a intensifié les insinuations. Il l’a emmenée faire des courses dans la voiture et a grossièrement comparé son corps à celui d’autres filles. Pendant qu’elle travaillait – à nettoyer ou à peindre le temple – il passait devant elle et lui touchait les seins avec désinvolture. Bizarrement, il a également commencé à la dégrader verbalement, en disant des choses qui la rendaient confuse, laide et honteuse de son corps. “C’est ridicule qu’à 15 ans, je n’aie pas compris que ce qu’il faisait était si horrible”, a déclaré Nadine.

Un jour, alors qu’elle était chez lui, Nadine a dit que Reddy l’avait allongée pour qu’il puisse la masser, et qu’il avait ensuite défait son soutien-gorge. La femme de Reddy – dont Nadine était proche – est rentrée à l’improviste, et il s’est levé d’un bond de sa posture assise sur Nadine, et a disparu dans la salle de bain. “J’ai vraiment eu peur”, dit Nadine, se rappelant que c’est à ce moment que tout est devenu clair. “J’avais l’impression de faire quelque chose de mal. Comme si j’avais été complice de choses qui n’allaient pas”. La femme de Reddy n’a pas répondu à une demande de commentaires par courriel.

L’été suivant, Nadine raconte qu’après avoir vu Reddy s’intéresser à une fille plus jeune, elle a raconté son histoire à ses amis. Danny Kastner était parmi eux. Quelques temps plus tard, Nadine dit que Mark Ashley, un administrateur de Sivananda, lui a téléphoné pour discuter de ce qu’il avait entendu. Sa fille faisait partie du groupe de Nadine. Ashley a dit à Nadine qu’elle devait parler à l’avocat de Sivananda. “J’étais en colère contre lui”, m’a dit Nadine. “Je me souviens qu’il m’a dit que j’étais très en colère et que je ne devrais pas l’être. Pourquoi étais-je si en colère ?”

“C’était horrible. Je me souviens de ne pas me sentir en sécurité, de ne pas me sentir bien”, a déclaré Nadine. “Je me souviens lui avoir dit que Prahlad ne devrait pas être là.”

La dernière fois que Reddy a agressé Nadine, c’était quand elle avait 17 ans. Lors d’une visite à Toronto pendant quelques semaines cet été-là, Reddy et sa femme ont invité Nadine à rester avec eux dans leurs quartiers au centre Sivananda. Pendant son séjour, Nadine a aidé à s’occuper de leur jeune fille. Son comportement envers elle n’avait pas changé, dit-elle. Il essayait de lui peloter les seins pendant qu’elle travaillait à l’ordinateur, mais elle devenait de plus en plus critique. Un jour, elle s’est réveillée d’une sieste avec lui couché directement sur elle. “Cela a sonné le glas”, a-t-elle dit. Elle s’est levée et a appelé Kastner pour lui demander de venir la chercher.

Kastner se souvient d’être venu chercher Nadine ce jour-là. “J’étais furieuse de ce qui lui était arrivé”, a écrit Kastner dans un e-mail. “Je suis seulement devenu plus furieux au fil des ans en voyant le refus de l’organisation de prendre ses responsabilités.”

Des années ont passé. Nadine est devenue mère. La propre mère de Nadine continuait à faire du bénévolat pour Sivananda de temps en temps. A la demande de Reddy, elle se rendit dans l’un des ashrams en Inde pour aider à la formation. Mais à son retour, Nadine ne pouvait plus garder le silence.

“Prahlad avait brisé notre confiance”, a déclaré la mère de Nadine dans une interview, se rappelant ses sentiments lorsque Nadine lui a raconté l’histoire pour la première fois. “Je ne pouvais pas croire qu’il avait continué à abuser de ma fille chaque été.” Elle a pris grand soin de ne pas faire honte à Nadine. “Je lui ai toujours dit qu’elle n’était pas responsable de ce qui s’est passé”, a-t-elle déclaré. “Je me suis sentie très mal. Pour elle et pour nous.”

Dans une interview, le père de Nadine m’a dit qu’après avoir entendu son histoire, il a conduit de Montréal à Val Morin pour s’adresser aux dirigeants. J’ai réalisé qu’il était malade”, a-t-il dit, se souvenant de sa confrontation avec Reddy, “parce qu’il avait dit “Oui, c’est arrivé il y a longtemps”. Nous étions tous les deux jeunes”.

Nadine se souvient avoir reçu une lettre d’excuses manuscrite de Reddy. Quand la lettre est arrivée, toute la famille l’a lue. Nadine se souvient que Reddy a suggéré que les abus “étaient réciproques, comme si nous étions jeunes et que nous avions fait des choses stupides que nous regrettons”. Je me souviens que cela m’a bouleversée et que j’ai eu l’impression d’en être complice et que c’était quelque chose dont il fallait avoir honte”. Dégoûtée, elle a jeté la lettre.

 

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Lors du même voyage au cours duquel il a affronté Reddy, le père de Nadine dit avoir également parlé avec Maurizio Finocchi, connu à l’époque au sein de l’organisation sous le nom de Swami Mahadevananda. Finocchi était le supérieur de Reddy et était largement reconnu comme l’héritier spirituel de Nair. Il avait un siège au conseil d’administration à l’époque. Le père de Nadine se souvient que Finocchi écoutait avec gentillesse et inquiétude, et qu’il avait indiqué que l’organisation allait se pencher sur la question. Il a quitté Finocchi avec l’espoir que quelque chose serait fait, mais il n’y a pas eu de suivi.

Un récent post sur Facebook de l’ancien assistant de Finocchi suggère que si Finocchi a négligé de tenir Reddy pour responsable, Reddy a plus tard retourné la faveur. Le 14 février, Wendy Freeman a posté qu’en 2006, Finocchi s’était exposé à elle alors qu’elle lui servait le petit déjeuner dans ses quartiers à Val Morin. “Quand je me suis approchée de son lit avec le plateau de nourriture, il m’a tenu le bras et a retourné le drap”, a-t-elle écrit dans le post. “Il était nu jusqu’à la taille, se masturbant. Il a éjaculé sur mon bras.” Lorsqu’elle a rapporté l’incident à Reddy, elle a dit qu’il “m’a demandé de me taire, m’informant que le conseil d’administration de l’ISYVC était au courant d’un “problème” en cours avec Finocchi, qu’ils “traitaient” apparemment d’une certaine manière”.

J’ai interviewé Freeman, qui était connue sous le nom de “Veena” lorsqu’elle était dans l’organisation. “J’ai failli vomir”, a-t-elle dit en se souvenant de l’agression. “Je me suis éloignée, j’ai posé le plateau sur le lit, je suis allée dans sa salle de bain. Je n’oublierai jamais : il est entré dans la salle de bain pour se nettoyer, et nous nous sommes tenus côte à côte devant le lavabo, en nous regardant dans le miroir. C’est l’un des points bas de ma vie”.

Par courriel, le porte-parole de Sivananda, Jonathan Goldbloom, a fait la lumière sur la façon dont les membres du conseil d’administration ont traité avec Finocchi et sur le temps que cela a pris. “Lanny Alexander a été nommée par l’EBM en mai 2013”, a écrit Goldbloom, “pour examiner les allégations concernant Swami Mahadevananda, alors membre du conseil d’administration. Suite à la réception du rapport de Lanny, Swami Mahadevananda a démissionné de l’organisation en juin 2013”. Alexander a été identifiée dans mon précédent article sur GEN comme une avocat new-yorkaise et une étudiante de Sivananda qui a fait du travail juridique pour l’organisation. Elle n’a pas répondu à une demande de commentaires sur cette histoire.

Dans l’édition de l’été 2013 de Yoga Life, le magazine interne de l’organisation, une notice des rédacteurs indique que Finocchi prend sa retraite “afin de passer à une vie contemplative en isolement en Inde”. L’avis disait que le conseil d’administration le remerciait pour son “service dévoué et inspirant”.

Par courrier électronique, Goldbloom s’est montré provocateur. “Malgré les préjugés véhiculés par tout ce que vous avez écrit jusqu’à présent sur l’organisation, la politique de harcèlement sexuel et psychologique de l’organisation fonctionne et personne n’est au-dessus : Les allégations ont fait l’objet d’une enquête et les conséquences ont été conformes à la politique, qui a été appliquée à cet important membre de l’EBM comme elle l’aurait été à n’importe qui d’autre dans l’organisation”, a-t-il écrit. (L’acronyme de Goldbloom fait référence à l’exécutif de Sivananda).

Mais les courriels que j’ai obtenus montrent qu’une plainte similaire d’attentat à la pudeur et de masturbation publique a été déposée contre Finocchi en 2001, 12 ans avant sa démission, et envoyée à un administrateur de l’ashram Sivananda à Trivandrum, dans le sud de l’Inde. Et dans un courriel de 2006, Finocchi, qui dirigeait alors les opérations de Sivananda en Inde, a apparemment découragé la publication d’une nouvelle politique de harcèlement sexuel générée au sein de l’organisation. “Swamiiji ne pense pas que cette politique doit être affichée”, a écrit sa secrétaire. “Nous pouvons l’utiliser dans des situations difficiles, mais nous n’avons pas besoin d’aller vers cette pensée de type commercial. J’ai tenté à plusieurs reprises de joindre Finocchi, aujourd’hui âgé de 81 ans, par courrier électronique et par téléphone, mais sans succès.

 

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Presque tous les grands groupes de yoga, aujourd’hui empêtrés dans des crises d’abus, proposent des formations dans des écoles accréditées par la Yoga Alliance. Reddy est membre de la Yoga Alliance, et Sivananda yoga a accrédité 89 programmes de formation distincts par l’intermédiaire de l’association à but non lucratif. Les listes de Yoga Alliance pour ces écoles ne mentionnent pas les noms des membres du corps enseignant. Cela signifie que, jusqu’à la date où le directeur l’a mis sur la touche le mois dernier, un membre du public aurait pu demander à suivre une formation sans savoir que Reddy la dirigerait.

Dans une interview, Shannon Roche, PDG de Yoga Alliance, a déclaré que ce manque d’information serait bientôt comblé. Elle a également déclaré que des allégations publiques et corroborées concernant un membre de la Yoga Alliance pourraient déclencher une enquête, même si les survivants n’étaient pas membres de la Yoga Alliance. Cela dépendrait toutefois des souhaits du survivant. “Je ne veux pas faire de mal à quelqu’un en essayant de faire quelque chose de bien”, a déclaré Mme Roche. Elle a ajouté qu’en vertu des directives publiées fin février, il pourrait être possible de sanctionner une école entière si sa direction est compromise.

Jusqu’à présent, l’histoire de Sivananda éclaire ce que la psychologue Jennifer Freyd appelle la “trahison institutionnelle”, dans laquelle les effets de la violence interpersonnelle peuvent être aggravés par l’organisation qui la rend possible.

La question qui reste posée est celle de l’octroi de licences par le gouvernement. Yoga Alliance peut expulser les membres qui enfreignent son code de conduite. Mais dans ce secteur non réglementé, personne ne peut empêcher un professeur sanctionné de monter sa boutique de yoga avec ou sans l’approbation de l’Alliance. L’association à but non lucratif dirigée par les États-Unis défend depuis longtemps la cause de la méfiance de ses membres à l’égard du gouvernement. “Je ne crois pas que le gouvernement ait un rôle à jouer dans les pratiques spirituelles”, a déclaré Mme Roche, résumant la position ferme de son organisation en faveur de la séparation de l’Église et de l’État.

Lorsqu’on lui demande si le fait de ne pas être protégée contre un agresseur connu pourrait perturber la pratique spirituelle plus que la réglementation ne pourrait jamais le faire, Roche adopte une ligne de conduite prudente. “Ce dont nous avons besoin”, dit-elle, en citant l’éducation et l’autonomisation des communautés, “c’est d’une boîte à outils complète avec la bonne combinaison d’outils”.

 

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Jusqu’à présent, l’histoire de Sivananda éclaire ce que la psychologue Jennifer Freyd appelle la “trahison institutionnelle”, dans laquelle les effets des abus interpersonnels peuvent être aggravés par l’organisation qui les rend possibles et compliqués davantage lorsque l’organisation elle-même tente d’enquêter ou d’atténuer les dommages. Le problème de la trahison institutionnelle, a déclaré Jennifer Freyd à la radio publique du Connecticut dans une interview sur les abus systémiques envers les enfants dans l’Église catholique, “n’est pas seulement que les institutions individuelles ne parviennent pas à prévenir les abus, mais quand elles réagissent mal, cela s’accompagne d’une souffrance physique et mentale accrue pour les survivants”.
Freyd fait également des recherches sur les caractéristiques de ce qu’elle appelle le “courage institutionnel”. Elle recommande aux organisations qui souhaitent sincèrement se réformer de se conformer d’abord aux lois pénales et aux codes des droits civils. Les dirigeants devraient “chérir” les dénonciateurs, mener des enquêtes anonymes, s’informer et informer leur personnel sur la violence et les traumatismes, et témoigner de toutes les révélations avec sensibilité.

Jusqu’à présent, l’activisme en ligne en faveur de Salter et des autres femmes suggère que si Sivananda yoga, l’organisation, n’est pas à la hauteur du défi lancé par Freyd, Sivananda yoga en tant que communauté pourrait l’être.

Les alliés de Salter et la liste croissante de femmes qui se sont manifestées se sont connectés par le biais d’un groupe Facebook dissident comptant 2 000 membres et toujours en croissance. (Par comparaison, le yoga Sivananda touche 300 000 personnes par an par le biais de 11 ashrams situés dans huit pays différents, 31 centres dans 18 pays et 40 centres affiliés dans 26 pays”, selon un courriel envoyé par le porte-parole de Sivananda. Le siège de Sivananda à Val Morin recense 8 millions de dollars d’actifs pour 2017). Les dissidents exigent que les membres du conseil d’administration démissionnent et que les responsables du programme cessent de vénérer Nair. Ils font pression sur les célébrités du yoga pour qu’elles boycottent les centres de retraite de Sivananda et reconnaissent les abus. Ils forment des équipes en ligne pour afficher des avertissements de sécurité sur Tripadvisor et d’autres sites d’information pour les consommateurs, et se penchent sur les déclarations d’impôts de Sivananda, à la recherche d’irrégularités.

La réponse la plus sophistiquée des dissidents a cependant été le projet SATYA, formé en réponse aux soupçons que le mandat de Plamondon pourrait ne pas enquêter complètement sur la vérité, pourrait retraumatiser les participants, ou les deux. Ils ont fait appel à l’avocate à la retraite Carol Merchasin pour diriger l’opération. Merchasin devient rapidement connue pour son travail dans l’industrie de la spiritualité, principalement le Buddhist Project Sunshine, un rapport mené par des survivants sur des générations d’abus au sein de l’organisation bouddhiste internationale Shambhala. Cet effort a fait imploser la fière institution d’autrefois et a conduit à la démission de la célébrité spirituelle Pema Chödrön de la direction du groupe.

Par courrier électronique, Kastner a sympathisé avec la campagne de SATYA, qui prévoit de publier ses conclusions en août. Le cabinet torontois de Kastner est souvent engagé pour des enquêtes sur le lieu de travail, mais il n’est actuellement engagé dans aucune affaire ni partie concernant cette histoire. Il a expliqué comment de telles enquêtes peuvent être entachées de motivations mal alignées. “Lorsqu’une organisation refuse pendant des décennies de prendre au sérieux les allégations d’abus, la confiance de la communauté est brisée”, a-t-il estimé. “Il ne devrait donc pas être surprenant que les plaignants d’abus refusent de participer à une enquête contrôlée et payée par l’organisation”.

Mais Kastner a également exprimé son inquiétude quant au fait que des survivants de Sivananda aient choisi de parler à SATYA plutôt qu’à Plamondon, l’enquêtrice nommée par Sivananda. Si les accusateurs de Reddy ne s’assoient pas avec Plamondon, Kastner s’est inquiété : “L’organisation a le droit de dire Nous avons enquêté, aucune preuve n’a été trouvée – puisque personne ne s’est manifesté – et donc aucune action n’est requise.” Lorsqu’on lui a demandé s’il parlerait lui-même à Plamondon pour corroborer l’histoire de Nadine, il a répondu qu’il le ferait “absolument”.

En réponse aux demandes des dissidents, les centres Sivananda de Paris, Orléans et Munich ont tous décroché les grands portraits dévotionnels de Nair. Quelques intervenants de longue date des ashrams Sivananda ont annoncé l’annulation de leurs programmes en solidarité avec les survivants d’abus. Anneke Lucas, la première femme à publier son expérience directe de l’agression sexuelle d’étudiants par le fondateur de l’Ashtanga, Pattabhi Jois, doit faire une présentation à l’ashram des Bahamas en juillet. Lucas, la fondatrice du groupe de soutien de yoga #MeToo sur Facebook, conditionne son contrat à l’utilisation de son temps d’enseignement à l’ashram pour aborder directement les abus et leurs implications en tant que survivante de traumatismes et avocate. Pendant ce temps, les administrateurs des ressources en ligne de Sivananda semblent avoir mis en place un pare-feu contre les critiques, bloquant les commentaires et interdisant les utilisateurs qui publient l’article de GEN ou qui posent simplement des questions. Le 29 février, des adeptes du yoga Sivananda ont créé un groupe Facebook pro-Reddy et Nair.

La déclaration officielle du porte-parole de Sivananda, M. Goldbloom, a toutefois concédé le stress causé par les allégations et a cherché à réaffirmer les valeurs de l’organisation, “qui consistent à promouvoir la santé, le bien-être, la guérison à tous les niveaux, la paix, la joie et la réalisation spirituelle”, a-t-il écrit. “Nous avons l’intention de continuer à offrir des formations et des symposiums sur la sensibilisation aux traumatismes, la santé et la guérison, la paix et la spiritualité, et de promouvoir ces valeurs par le biais de nos programmes, de nos publications et de tous les autres canaux”.

Au-delà des escarmouches, l’activisme semble aider de nombreux anciens membres à révolutionner leur compréhension de la communauté spirituelle et de l’intégrité. Les dissidents revendiquent le centre moral de leur ancienne église et remettent en question l’allergie de l’industrie du yoga au sens large à une réglementation et une responsabilité plus strictes. Au fur et à mesure de son développement, l’histoire s’inscrit également dans une expérience plus large visant à déterminer si le mouvement #MeToo peut aller au-delà de la dénonciation des auteurs d’abus et exiger des institutions qui les ont aidés qu’elles rendent justice.

“Pouvoir en parler nous a permis de faire quelque chose comme un énorme débriefing collectif”, a déclaré Jens Augspurger, l’un des modérateurs du groupe dissident. Augspurger est un chercheur doctoral en études du yoga. “C’est comme si nous sortions de cette performance bizarre. Tout au long de la pièce, vous n’aviez pas le droit d’en parler. Vous deviez vous taire. Vous étiez le public, mais vous en faisiez aussi partie d’une certaine manière. Et maintenant, nous sortons enfin, et nous pouvons parler aux personnes qui se sont assises à gauche et à droite de nous. Et maintenant nous réalisons : “Ok, il y a des trucs bizarres qui se passent.”

 

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La mère de Nadine a maintenu sa relation avec Sivananda, continuant à suivre des programmes et à enseigner occasionnellement. Pour elle, c’est en partie un acte de vigilance morale. Elle voit encore Reddy de temps en temps. “C’est un rappel”, m’a-t-elle dit, en décrivant son attitude à son égard. “Chaque fois que vous me verrez, vous vous souviendrez que je suis la mère de Nadine et de ce que vous avez fait.”

“Je ne sais pas si une quelconque punition les fera réfléchir à ces choses”, m’a dit le père de Nadine lorsqu’on lui a demandé ce qu’il pensait de tout cela rétrospectivement. “Je pense que tout le monde était très naïf. Je l’étais certainement parce que je n’ai jamais pensé que cela serait possible”.

“J’ai vraiment dû faire beaucoup de travail sur moi-même”, a déclaré Nadine, lorsqu’on lui a demandé quel impact son histoire avait eu sur elle. Elle est fière d’avoir fait quelque chose de sa vie, après une adolescence rebelle et d’être une mère célibataire. Son premier diplôme était en service social, où elle a appris à intervenir en faveur des victimes d’agressions sexuelles et à comprendre les blessures que cela fait.

“Dans mes études, je me suis reconnue et cela m’a aidée à normaliser ce que je ressentais”, m’a-t-elle dit.

L’amitié de Kastner a également été un roc pour elle, a déclaré Nadine. Quand, par désillusion, il a tourné le dos au yoga Sivananda, où lui aussi avait grandi, “il m’a rappelé la gravité de ce qui m’était arrivé”, a-t-elle dit. “Il me défendait dans ses principes.”

Lorsqu’on lui a demandé quel serait son résultat idéal en prenant la parole, Nadine a été franche à propos de Reddy. “Qu’il arrête d’abuser des femmes”, a-t-elle dit au téléphone. “Grâce au post et aux commentaires de Julie, j’ai découvert qu’il avait agressé d’autres femmes. Je pense que c’est un devoir et une obligation envers les autres femmes”.

Nadine a également réfléchi aux raisons pour lesquelles elle n’a pas porté plainte à l’époque. Elle voulait protéger la femme et l’enfant de Reddy, a-t-elle dit. L’envoyer en prison leur aurait brisé le cœur. Elle avait pensé que son appel téléphonique avec Ashley aurait arrêté Reddy, ou que quelque chose serait venu de la confrontation de son père avec Reddy et Finocchi à Val Morin.

Lara Marjerrison ne sait pas comment elle ou la communauté vont finalement traiter la nouvelle. “C’était toujours l’endroit où je savais que je pouvais retourner”, m’a-t-elle dit, se souvenant de la Sivananda qu’elle avait connue. “Je savais que les gens qui étaient là étaient magnifiques. Je savais que l’environnement naturel était serein.”

Elle aimait que son fils soit intrépide dans les prairies de Val Morin. Elle se rappelle combien il aimait Reddy. “Il courait partout et jouait avec d’autres enfants et il est revenu vers moi. J’étais allongée sous un pommier. Et il m’a dit : “Maman, cet endroit est incroyable. Je peux courir librement. Je peux être libre.”

Interrogée sur le projet SATYA, Marjerrison a indiqué son soutien. “Je crois que ce qu’ils font en vaut la peine”, a-t-elle écrit, en attendant de récupérer son fils à l’école. “Si ce n’est pas la communauté – qui d’autre ?”

 

Comment une publication #MeToo sur Facebook a renversé une icône du yoga

 

Une ex-disciple du swami Vishnudevananda révèle une décennie de mauvais traitements, faisant éclater une crise encore en développement au sein de yoga Sivananda.

 

Matthew Remski

 

Publié pour la première fois sur GEN par Medium.com, le 27 janvier 2020

Traduit par Nahida Alam

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La photo ci-dessus est une gracieuseté de Julie Salter. Elle montre Salter dans les années 1980, lorsqu’elle travaillait comme assistante personnelle de Kuttan Nair, également connu sous le nom de Swami Vishnudevananda.

 

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Tôt le 10 décembre 2019, dans son sombre et modeste appartement de briques rouges, Julie Salter, 63 ans, s’est assise à un bureau spartiate devant un écran bleu rayonnant. La boîte de dialogue affichait neuf paragraphes qui ont mijoté plus de deux décennies depuis qu’elle a quitté sa position au sein des centres de yoga Sivananda – un réseau global d’ashrams et de centres de yoga autrefois enraciné dans l’évangélisme yoga hippie, mais maintenant célèbre pour le tourisme du yoga et la formation professionnelle. À 5 h 15 du matin, elle a cliqué « publier » sur un témoignage d’abus sexuel et psychologique commis par le fondateur du groupe reconnu comme un saint.

« Avec toutes les éloges sur la biographie autour de Swami Vishnudevananda et de son héritage », écrit-elle, « avec tous les vœux nostalgiques, les croyances, les projections, et en pensant au “bon” qui a été fait, faisons aussi face, au moins, un peu aux faits restés dans l’ombre… ».  Salter affirme que ces 11 années manque de sommeil et de surmenage pendant lesquelles elle a été l’assistante personnelle de Vishnudevananda, jusqu’à sa mort en 1993, et l’ont rendue malade et dépendante. Elle a dévoilé que le guru prétendument célibataire avait «abusée » sexuellement d’elle pendant trois de ces années – et cette honte, ce secret, cette peur et son sens du devoir lorsqu’il est devenu gravement malade l’ont gardée à son service jusqu’à ce qu’elle « soit trop brisée pour même savoir comment partir ».

Alors que la publication de Salter est devenue virale dans les heures qui ont suivi, elle a joint la plus grande vague de l’activisme #MeToo dans le monde du yoga qui a éclaté à l’automne de 2017, lorsque Karen Rain a dévoilé que le défunt fondateur du yoga Ashtanga, Pattabhi Jois, l’a souvent agressée sous le prétexte de faire des « ajustements ». (Rain a raconté son expérience pour Medium l’année suivante, et 16 femmes ont maintenant témoigné à titre de survivantes de Jois). En 2019, Manouso Manos, un enseignant chevronné dans le monde américain de Iyengar, a été sanctionné par l’organisation professionnelle de sa communauté après qu’une enquête ait prouvé qu’il avait agressé sexuellement des étudiantes pendant des décennies. Un mandat d’arrêt pour le pionnier du « hot yoga », Bikram Choudhury, a été lancé il y a plus de deux ans pour ne pas avoir payé un montant 7 millions suite à un jugement contre lui pour harcèlement sexuel et congédiement injustifié de sa directrice d’entreprise.

Les amis et collègues de Salter de partout dans le monde ont rejoint plusieurs discussions Facebook pour rappeler son service infatigable et non rémunéré au sein des centres de yoga Sivananda, et exprimer à la fois leur peine face à son histoire et leur soulagement qu’elle ait finalement été capable de la raconter. Puis, d’autres femmes ont publié des témoignages à propos de Vishnudevananda.

Lucille Campbell, 65 ans, a commenté la discussion en écrivant qu’elle avec eu des « relations sexuelles » avec Vishnudevananda dans les années 1970, et qu’elle connaissait plusieurs autres femmes à qui s’est également arrivé.

Pamela Kyssa, 62 ans, a écrit dans la discussion que le guru l’a violée en 1979 dans une retraite au château de Windsor, en banlieue de Londres. Elle était allongée sur le plancher de la chambre de Vishnudevananda après qu’ils aient pratiqué des positions de yoga ensemble, puis il s’est « placé au-dessus de moi de façon inattendue, a baissé mon pantalons de yoga, » a-t-elle écrit. « Cette sensation d’être hors de votre corps, lorsque vous êtes ramené à la réalité par le son du réveille-matin… c’est ce que j’ai ressenti… hors de mon corps, le réintégrant avec lui au-dessus de moi ».

 

 

Né Kuttan Nair dans l’Inde rurale en 1927, Vishnudevananda a été un catalyseur du boom mondial du yoga dans les années 1960s, propulsé par des célébrités. Il a rencontré les Beatles avant qu’ils ne rencontrent le Maharishi. Il a donné des conseils de respiration yogique à Mohammed Ali avant l’un de ses combats contre Frazier. Il a écrit un manuel de yoga best-seller et a parcouru l’Europe et les Amériques, accumulant les disciples et les dons pour la douzaine (et plus) de centres de retraite et de méditation qui ont été établis sur son parcours — de Montréal à Madrid, de Munich à Montevideo. En 1971, il a été surnommé « Le swami volant » après avoir piloté un Piper Apache peint avec des couleurs psychédéliques de Boston à l’Irlande, dans une quête pour résoudre les troubles d’Irlande du Nord. Son plan était de « bombarder » l’hôtel de ville de Belfast avec des pamphlets. Il a cueilli Peter Sellers à Dublin pour l’étape finale. Puis, il a volé pour répandre des pétales de fleurs au-dessus de la ligne de front de la troisième guerre indo-pakistanaise. En 1983, il a volé avec un ultra-léger au-dessus du mur de Berlin. Il a voyagé avec un « Passeport de la planète Terre », fait par lui-même : date de naissance : « immortel », yeux : « intuitifs ».

Altruistes ou non, les coups de publicité de Nair et ses occasions de photos auraient pu être considérés comme grossiers si ce n’était sa célébrité. Retournons en 1949, dans l’ancienne oasis de Rishikesh où Nair a été initié à titre de moine et obtenu son nom religieux du swami Sivananda, un héros charismatique du mouvement moderne du yoga indien. Nair est rapidement devenu le directeur de toutes les classes de postures de yoga de Sivananda et, en 1957, il s’est aventuré vers l’ouest, armé de sa propre version mémorisable des enseignements de son maître : « La santé est la richesse, la paix d’esprit est le bonheur, le yoga montre le chemin ! ».

Le message de bien-être de Nair a attiré des enthousiastes vers quelque chose qui semblait plus holistique et traditionnel que la gymnastique spirituelle qui fusionnera éventuellement avec l’aérobic et la culture de la gymnastique pour dominer le marché du yoga. Il a résumé les énoncés religieux de Sivananda en « Cinq points du yoga » : un ensemble complet d’exercices « appropriés », de respiration, de relaxation, de régime alimentaire (strictement végétarien) et de pensée positive. Nair a aussi renforcé son authenticité en imposant de vieilles règles monastiques dans ses nouveaux centres cosmopolites. Tous les résidents devaient suivre un horaire strict de dévotion et de « karma-yoga », une forme de travail non rémunéré devant mener à un état d’altruisme.

Nair semblait particulièrement fidèle à la célèbre obsession de Sivananda pour la vertu spirituelle de rejet du sexe. « Le célibat complet », insistait son guru dans un livre dédié sur le sujet en 1934, « est la clé maîtresse pour accéder aux royaumes de la béatitude élyséenne ». De la même façon, les débutants dans les ashrams de Nair devaient s’engager à l’abstinence. Ceux qui sont restés ont fait ce sacrifice pour la vie, scellé par une initiation rituelle et un nom spirituel. Nair est même allé jusqu’à purifier l’histoire du yoga, censurant sa traduction d’un célèbre texte médiéval sur le yoga afin que ses pratiques sexuelles ésotériques demeurent secrètes.

Les cercles autour de Salter, Kyssa, et Campbell ont évolué depuis leur époque des lignes de téléphone fixes et du courrier postal. Maintenant, en témoignant sur Facebook, elles sont visibles ensembles instantanément. Elles sont soudainement reconnectées par un média dans la désillusion d’une nouvelle génération.

En quelques heures seulement, leurs publications ont attiré deux autres témoignages de femmes dans leurs trentaines, accusant l’un des étudiants avancés de Nair de harcèlement sexuel et d’agression. Thamatam Reddy, 53 ans, connu dans les centres de yoga Sivananda comme « Prahlad ». Il voyage à travers le monde et dirige la formation des enseignants de l’organisation, qui coûte environ 3 000 $ par personne. En racontant leurs expériences durant des interviews, les deux femmes décrivent Reddy les harcelant pendant qu’elles travaillaient gratuitement dans les ashrams Sivananda.

Un courriel envoyé par Communications Avenue, une firme de relations publiques de Montréal représentant le conseil d’administration de Sivananda (constitué de dévots de Nair, incluant Reddy) a reconnu avoir reçu des témoignages en 2011 et 2017, similaires à ceux publiés à propos de Reddy.

« Nous désirons préciser que nous avons des politiques et des procédures bien établies pour traiter les allégations de mauvaise conduite », dit le courriel, donnant le lien vers une page de politique. Alors que le conseil d’administration de Sivananda a dit dans un nouveau courriel qu’il a commencé à créer un politique d’anti-harcèlement dans les années 2000, une recherche dans les archives Web semble démontrer que le texte relié à la mauvaise conduite sexuelle ne fut publié qu’en 2019.

« En ce qui a trait aux allégations faites par Julie Salter sur Facebook », dit le communiqué, « nous espérons être en mesure de nommer sous peu un enquêteur indépendant ».

Six semaines après la publication de Salter, le conseil d’administration a annoncé avoir engagé l’avocate montréalaise Marianna Plamondon pour « enquêter sur les allégations faites par Julie Salter et deux autres plaignantes ». Contactée par téléphone à Montréal, Plamondon a confirmé avoir reçu des questions par courriel à propos de l’étendue de l’enquête, à savoir si ses conclusions seraient rendues publiques, et pourquoi les membres de Sivananda avec des plaintes contre l’organisation voudraient parler avec une avocate engagée par l’organisation. Plamondon a refusé de répondre durant l’appel. Dans un courriel de suivi, elle a écrit « Je ne ferai aucun commentaire à une tierce partie que ce soit sur le mandat que j’ai reçu ou sur le progrès de l’enquête ». L’enquête, écrit-elle, est limitée aux « allégations qui ont été faites par trois plaignantes à propos de swami Vishnudevananda ».

Le conseil d’administration n’a pas contacté Salter, ni Kyssa, ni Campbell à propos de l’enquête proposée. La dernière fois que Salter fut contactée fut en 2007, lorsqu’elle a reçu une lettre la menaçant d’une poursuite en diffamation.

 

 

Lucille Campbell a rejoint la communauté en 1971, à l’âge de 17 ans, trois ans après la mort de son père, durant une période où elle se sentait « toute seule dans sa vie », comme elle l’a déclaré dans une entretien. En 1974, elle était devenue la directrice du centre Sivananda de Vancouver. Cet été-là, le centre a organisé une retraite dans la campagne. Un jour, dit Campbell, elle a ouvert la porte du chalet de Nair et l’a vu en train d’avoir une relation sexuelle avec une personne membre du personnel.

« J’ai fermé la porte », dit-elle. « J’étais totalement figée. J’avais 21 ans. J’étais encore très jeune. Puis, durant la méditation il m’a dit combien j’étais douée et tout. Je me suis figée, je n’ai jamais parlé de cela à personne ».

Peu après, Campbell a prononcé le vœu de renonciation et de célibat pour devenir un swami. Elle méditait et pratiquait le yoga deux fois par jour, faisant des exercices de respirations profondes, et travaillait gratuitement.

« Ma méditation était très centrée sur Swamiji parce qu’il est le guru et que les écritures disent que le guru est Dieu. Mais j’ai alors eu une étrange expérience de lumière que je ne comprenais pas. Et Swamiji a réalisé que je l’avais eue aussi, parce qu’après la classe il m’a dit que j’étais une étudiante avancée ». Campbell a dit que le compliment l’a encouragée à attribuer la lumière brillante à Nair. « J’ai pensé qu’elle avait été transférée depuis le guru ».

« Alors, j’ai naïvement été lui donner un massage. Je n’ai jamais été forcée, mais tout à coup, c’est devenu du sexe oral. Le fait qu’il n’ait pas éjaculé m’a déroutée. J’ai pensé qu’il ne le faisait que pour faire monter sa kundalini (un terme de yoga désignant une forme d’énergie spirituelle mystique). C’était peut-être un type de yoga tantrique ou quelque chose ».

Rien de cela ne fut discuté ouvertement, dit Campbell, mais ses lectures de l’époque l’avaient exposée à une vieille idée d’alchimie : que le yogi mâle qui était impliqué dans une activité sexuelle, mais « demeurait abstinent » pouvait d’une certaine façon sublimer la puissance de reproduction en une extase spirituelle, menant à sa « renaissance ».

La deuxième fois que Nair lui a demandé des faveurs sexuelles, la réponse de Campbell portait l’écho de ses méditations antérieures. Elle a quitté la chambre enveloppée d’une grande aura. « J’avais l’impression de marcher dans la lumière ».

Puis, Nair a demandé du sexe pour une troisième fois. Campbell savait que c’était mal et elle a refusé. En 1975, dit Campbell, trois femmes l’ont approché pour mentionner des incidents sexuels avec Nair. Deux des femmes, dit-elle, avaient prononcé des vœux de célibat. Elle dit qu’une de ces deux femmes a décrit son implication dans des activités sexuelles de groupe avec Nair, disant que c’était « amusant ». La troisième femme était alors mariée et elle a quitté l’organisation immédiatement après que le guru lui ait fait des avances. Campbell se rappelle le nom spirituel des deux femmes, mais ne voulait pas dévoiler leurs noms ou identités pour respecter leur vie privée.

« Il y a un point où il y a un dégoût extrême, » dit Campbell, « cela m’a pris un certain temps avant de partir, mais je suis partie ».

Campbell enseigne toujours le yoga à Montréal, mais est allergique à la mystification qui a donné à Nair autant de pouvoir. « Les hormones et les neurotransmetteurs », dit-elle, lorsqu’on lui a demandé comment elle comprenait maintenant l’aura et la lumière qu’elle a ressentie en sa présence. « On ne comprend pas tous les effets des émotions sur le cerveau ».

Avec des histoires comme celles de Salter et de Campbell dissimulées dans l’ombre, l’organisation de Nair a projeté pendant des décennies l’image d’une marque fantastique par son réseau de centres de méditation et d’ashrams qui offrent des vacances de yoga. À la Yoga Farm de Grass Valley, Californie, les visiteurs peuvent marcher dans le « Labyrinthe du miracle de la paix » ou passer la journée au spa, badigeonnés d’huile pour un massage ayurvédique. Le complexe des Bahamas sur l’île Paradise est un centre pour les vedettes en tournée et les ashrams d’Inde produisent cohorte après cohorte de diplômés avec le très lucratif cours de formation des professeurs de yoga (plus de 45 000 diplômés depuis 1969). Le portrait béatique de Nair, souvent plus large que nature, a toujours dominé l’espace des temples partout dans le monde, et les brochures distribuées au personnel, aux invités et aux étudiants citent des prières invoquant son nom.

Mais cela n’a pas toujours été facile pour l’image publique de Nair. Dès le début de sa mission, des fissures ont commencé à être publiquement visibles dans la sainteté, le collectivisme et la renonciation aux plaisirs matériels. En 1971, des adeptes ont emmené Nair en justice contestant ses plans d’hypothéquer le centre de l’organisation au cœur de Manhattan pour payer des améliorations à son avion privé. Une lettre mise en preuve dans le cas de la Cour suprême de New York montre que ses adeptes l’ont accusé d’abus sexuel sur une étudiante nommée Irene. La cour a rejeté la plainte.

« Cette sensation d’être hors de votre corps, lorsque vous êtes ramené à la réalité par le son du réveille-matin… c’est ce que j’ai ressenti… hors de mon corps, le réintégrant avec lui au-dessus de moi. »

En 1974, la journaliste canadienne Marci McDonald a visité le quartier général de Nair dans les Laurentides pour rédiger un profil. Son titre cinglant faisait écho à la phrase célèbre de F. Scott Fitzgerald à propos des riches — « Swami Vishnudevananda Is Not Like You and Me » (« Swami Vishnudevananda n’est pas comme vous et moi ») — et son texte a détaillé une scène d’hypocrisie spirituelle et d’obéissance psychologique. On voit Nair essayant de grandiosement montrer une posture d’équilibre précaire sur un bras, pour simplement tomber, n’étant évidemment pas en assez bonne condition physique. Nous admirons les voitures de luxe à sa disposition, nous l’entendons déclarer qu’il est trop éclairé pour être attaché aux richesses et nous rencontrons Gopi et Shyamala, deux jeunes assistantes, méfiantes et épuisées, accourant pour essuyer le lait renversé de son gobelet.

McDonald termine son article avec une scène de sa dernière soirée à l’ashram. Sur le chemin de retour vers le dortoir, elle rencontre une femme, trébuchant, pieds-nus  sous la pluie. Dans ses pleurs, elle a crié « Swamiji, comment avez-vous pu ? » McDonald réalise qu’il s’agit de Gopi. « Découverte, elle devient soudainement silencieuse, je prends ma couverture pour la protéger. », dit McDonald, « Elle reste là, blottie sous un arbre, seule sous la pluie ».

Jointe par téléphone le mois dernier, McDonald s’est rappelée ce moment effrayant. « Tout dans mon esprit suggérait un abus sexuel », dit-elle. En se rappelant Gopi, qui est morte depuis, elle nota, « j’ai tout fait sauf dire à voix haute que je suspectais qu’il avait abusé de cette jeune femme ».

Mais ce n’était pas l’époque du #MeToo. « Je n’étais pas surprise que Gopi ne se confie pas à nous », dit McDonald, « J’aurais même été surprise si elle avait dit “Oh, il m’a fait une chose terrible. Nous devons aller à la police.” J’y serais allée, mais cela aurait été exceptionnel à cette époque si c’était arrivé ».

« Je suppose que ma façon de me lever contre l’injustice était d’énoncer ce que j’avais vu et de laisser les gens se faire leur propre idée ».

Julie Salter est arrivée aux quartiers généraux de Val-Morin, au Québec, pour la première fois en 1978, un an après avoir joint sa communauté à Tel-Aviv et quatre ans après la publication de l’article de McDonald. Elle est arrivée durant une sorte de grande époque, avec l’ashram plein de swamis et de programmes. Mais en 1982, Salter dit que le personnel avait été grandement réduit, poussé à l’épuisement, et certains adeptes semblaient aux prises avec des problèmes mentaux. Nair lui-même semblait négligé et sujet à des épisodes de dépression. Un végétarien toute sa vie, avec peu de gens autour de lui pour préparer la nourriture du sud de l’Inde qu’il aime tant, il était souvent réduit à manger des sandwiches au fromage, du riz au lait et des boîtes de pois pour survivre. Il était atteint de diabète et souffrait beaucoup. Salter ressentit un grand instinct maternel envers lui.

Cette année-là, Nair lui a demandé d’être sa secrétaire personnelle. Il l’a installée dans sa petite maison avec un ordinateur pour dicter des lettres pour ses lieutenants à travers le monde et un livre, qu’il ne publiera jamais. Les heures étaient interminables. Salter dit que Nair n’avait « absolument aucun biorythme ». Il restait debout toute la nuit, demandant du thé ou de la soupe, faisant une sieste d’une heure ou deux, puis se levait à nouveau pour passer un appel international. Ajoutés à cela, Salter voyageait fréquemment à l’étranger à ses côtés pour prendre des notes.

En 1983, Nair a commencé à demander à Salter de le masser et, à un moment donné, il lui a demandé de s’étendre à ses côtés sur le plancher après le massage. « Mais je ne comprends pas, Swamiji. », lui a-t-elle dit. « Yoga tantrique », a-t-il répondu.

« La ligne était franchie », a écrit Salter en 2005, dans des notes personnelles revues par GEN. La ligne demeura franchie pendant trois ans. « L’absence de limites… non-fondement… obéissance comme je l’avais entendu enseigner dans cette tradition “spirituelle”… les limbes qui pourraient être les miennes si je rompais avec le professeur… J’avais entendu les enseignements disant que de désobéir ou rompre avec le guru était l’équivalent d’un suicide spirituel ».

Salter a vu son rôle d’assistante de Nair s’étendre malgré le fait d’être dégoûtée, descendant en spirale vers la honte et la culpabilité. Elle a décrit « des rôles profondément confus — comme étudiante, comme secrétaire, souvent comme mère, certains diraient fille, et “partenaire” sexuelle — bien que “partenaire” ne représentait pas vraiment ce qui se passait ».

Son sommeil était réduit à quelques heures par nuit. Elle survivait avec du jus de fruit et des biscuits lorsqu’elle travaillait ou qu’elle était au téléphone. Elle a développé des problèmes digestifs et d’autres problèmes. Une fois, Nair lui a crié dessus pendant des heures après qu’elle eu mentionné qu’elle était fatiguée. Une autre fois, dit-elle, Nair l’a giflé après l’avoir faussement accusée d’avoir une relation avec un autre employé. L’agression a laissé des marques. Elle se rappelle avoir dit à une collègue que les marques étaient dues à un accident.

« À plusieurs occasions, j’ai songé à partir, mais je ne l’ai pas fait », écrit Salter. « Mon niveau d’épuisement était très élevé pendant plusieurs années, avec de longues heures de travail et de l’insomnie, combinées au le poids du secret ». Un jour, elle a dit par téléphone, « Je sentais la peur émanant très fortement de moi ». À une autre occasion, elle dit « J’ai entendu mon cerveau “se briser” ».

Au fur et à mesure que la condition de Salter empirait, la dépendance de Nair envers elle augmentait. Elle s’affairait pour garder son insuline sous contrôle, pour lui administrer sa dialyse lorsqu’ils voyageaient entre l’Inde et le Québec, pour traduire ses discours brouillons après qu’il ait eu un accident vasculaire, pour le traiter après qu’un accident de voiture lui ait perforé un poumon et brisé le cou.

« Je me rappelle qu’il disait constamment “Mon cou me fait mal, ne me quitte pas. Mon cou me fait mal, ne me quitte pas. Mon cou me fait mal, ne me quitte pas”. Comme un petit enfant dit à sa mère ».

Le premier événement des centres de yoga Sivananda auquel a participé Pamela Kyssa fut une fin de semaine de jeûne, dans sa ville natale de Londres, en 1979. Elle avait 20 ans à l’époque. Elle a décrit avoir été « bombardée d’amour » par des membres du groupe — un terme utilisé dans les études de sectes pour la tactique de recrutement consistant à couvrir les nouveaux venus d’attention et d’affection pour créer des sentiments d’endettement et d’attachement instantanés. En moins de quelques semaines, Kyssa avait abandonné ses nuits dans les clubs pour déménager dans le centre de l’organisation situé à Londres.   Nair est venu en ville pour donner leurs mantras aux nouveaux venus — une prière personnelle à être récitée constamment, pour purifier l’esprit de toute autre pensée. Il lui a aussi donné le nom de « Padma », ce qui signifie lotus. Kyssa a abandonné tous ses vêtements à la mode de Kensington Market pour adopter la tenue jaune d’une novice.

Lors d’une retraite de groupe au château de Windsor, Nair l’a appelée pour lui demander de le masser, ce qu’elle a fait pendant deux heures, après quoi ils ont fait des postures de yoga ensemble, terminant dans une posture de relaxation.

Lorsqu’elle a réalisé que Nair était au-dessus d’elle et commençait à la pénétrer, Kyssa se rappelle avoir dit « Swamiji, je ne veux pas être enceinte ! »

« C’était au lieu de dire “Lâchez-moi” », a dit Kyssa dans une entretien. « Ce qui m’a déconcertée fut que ce viol ne fut pas violent – pas comme m’épingler sur le sol, me frapper ou quelque chose du genre puis déchirer mes pantalons pour s’imposer en moi ou quelque chose du genre. Je suis un peu gênée d’avoir 62 ans et de réaliser maintenant que c’était un viol ».

En 1981, Kyssa travaillait au Sivananda Yoga Ranch dans l’état de New York. Un membre du personnel supérieur l’a convoquée pour qu’elle lave Nair, disant qu’il était malade et avait besoin d’aide. Alors qu’elle séchait ses pieds après le bain, dit-elle, il a tiré sa tête vers son pénis. Elle a tiré sa tête pour se libérer de son emprise. « Je l’ai regardé intensément avec rage », dit-elle par téléphone. « Je suis sortie. Je réalise maintenant que c’était un acte de pouvoir. Qu’est-ce qu’il pouvait bien vouloir ? »

L’année avant la mort de Nair, Kyssa est allée à Val-Morin pour le Nouvel An, déterminée à parler au guru. Elle se rappelle que Salter était debout aux côtés du guru pour traduire ses paroles (Salter ne se rappelle pas de la rencontre). Kyssa fut frappée par la condition de Salter. Elle semblait être « une petite rate épuisée et noyée, que Dieu bénisse son cœur », dit Kyssa.

Kyssa a demandé à être seule avec le guru et se souvient que Nair a chassé Salter d’un geste de la main. La première impulsion de Kyssa à le voir aussi diminué fut de s’excuser pour avoir entretenu de la haine à son égard pendant tant d’années. Mais elle l’a également confronté.

« Cela fut très difficile pour moi de vivre avec ce qui est arrivé et je n’avais personne à qui parler. Ce ne fut pas correct que vos ayez agi sexuellement avec moi ».

« Il m’a interrompu et a dit “Je ne me souviens pas ! Je ne me souviens pas !” Il a continué de le dire avec assez de force ».

Rapiécer son histoire après toutes ces années est une bataille, mais Kyssa croit que c’est essentiel. « Je suis totalement pour la cohérence et le fait d’avoir de l’incohérence en moi est un immense compromis », dit-elle.

« C’est vraiment important de se maintenir dans la vérité. C’est la seule façon dont vous allez guérir ».

 

Lorsqu’on lui demande par téléphone si Nair l’a déjà remerciée pour ses années de service, Salter marque une longue pause.

« La seule chose dont je me souvienne », dit-elle en douceur, « c’est quand, à la fin de sa vie, il a dit : “Parce que tu as pris si bien soin de moi, tu seras prise en charge.” »

En 2004, Salter a commencé à communiquer avec ses anciens collègues du conseil d’administration. Elle en avait de grosses difficultés financières et une santé fragile, et a tenté de demander une forme de pension ou une compensation de l’organisation.

La personne-ressource au sein du conseil pour cette correspondance fut Mark Ashley, 57 ans, connu dans l’organisation comme Srinivasan, et directeur du Yoga Ranch. Sur plusieurs échanges, Ashley a aidé à arranger une rencontre entre Salter et des membres du conseil et a exprimé l’espoir que les « malentendus » puissent être réglés. Cela ne s’est pas produit.

Salter a retenu les services d’une société d’avocats de Toronto pour défendre ses intérêts. En juillet 2007, Danny Kastner, un stagiaire de la firme, a écrit une lettre au conseil d’administration de Sivananda en son nom. Kastner a grandi dans la communauté, participant à un camp d’été pour enfants à Val-Morin au début des années 1990.

Kastner se rappelle la lettre détaillant les 22 années de travail non rémunéré de Salter et aussi mentionné que le swami Vishnu l’avait fréquemment agressée sexuellement et qu’un certain nombre de membres du personnel supérieurs le savaient.

Un brouillon de la lettre obtenu par GEN disait aussi qu’après avoir quitté l’organisation Sivananda en 1999, sans l’approbation du conseil, Salter fut diagnostiquée d’épuisement, de palpitations cardiaques, d’insomnie et de dépression. Et elle rappelait que deux ans auparavant des négociations avaient mené à une offre brute de 300 $ par mois pour Salter, jusqu’à l’âge de 65 ans. La lettre proposait un montant forfaitaire de 600 000 $, pour éviter une poursuite publique.

« Il m’a interrompu et a dit “Je ne me souviens pas ! Je ne me souviens pas !” Il a continué de le dire avec assez de force. »

Par téléphone, Kastner a expliqué que le montant forfaitaire proposé fut calculé pour fournir à Salter une maison et des fonds pour le son maintien. « Je m’attendais pleinement », a dit Kastner, « que l’explication de la détérioration de la santé de Julie, après avoir rappelé ses sacrifices pour l’organisation — qui fut bien au-delà des sacrifices attendus des adeptes — j’étais certain qu’ils viendraient aux discussions dans un esprit de compassion selon les principes enseignés par l’organisation ».

Mais le 27 août 2007, Salter a reçu une lettre de la part du conseil d’administration du bureau montréalais de Stikeman Elliot LLP, une firme d’avocats reconnue pour ses poursuites agressives. La lettre rejetait les demandes de Salter et déclarait que son travail pour l’organisation Sivananda fut volontaire et « motivé par ses croyances et sa foi personnelles ». Elle dénonçait les plaintes de Salter comme étant « frivoles » et « inappropriées, agressives et injustes », mentionnant qu’il semblait douteux que Mme Salter soulève la question 14 ans après la mort de swami Vishnudevananda.

La lettre se terminait par une menace : « Nous nous réservons le droit de prendre tout recours approprié en diffamation contre toute personne que nous considérons appropriée afin de protéger les droits et la réputation de Sivananda et de swami Vishnudevananda ».

Ce court échange légal fut suffisant pour faire taire Salter et protéger le conseil d’administration de l’organisation Sivananda de la colère de sa congrégation pendant 12 ans. Mais maintenant, avec l’appui du mouvement #MeToo derrière elles, les réponses en lignes à la publication de Salter révèlent une communauté mondiale soudée comme une famille prête à soutenir les siennes. En quelques jours seulement, un groupe public et deux autres privés furent créés sur Facebook comme canaux d’évacuation des frustrations et des plans de réforme. Des membres de longue date ont rapidement commencé à parler de la possibilité d’une action collective contre l’organisation pour fausse représentation de l’image de Nair et de son héritage.

Le sentiment était immédiatement révolutionnaire et démontrait que plusieurs étudiants avaient pris à cœur les enseignements d’abandon de soi et d’altruisme. L’activisme semblait aussi être renforcé par les forts liens formés par le bénévolat et par les programmes de formation notoirement austères de l’organisation Sivananda.

Au cœur l’unité de Sivananda était l’expérience du camp d’entraînement quasi militaire du cours de formation des professeurs de yoga de l’organisation. Sa structure de 200 heures a fourni la feuille de route pour les formations de yoga à travers toute l’industrie. Son intensité est un milieu fertile pour l’endoctrinement, l’attachement à vie, voire les deux. Pendant quatre semaines, les participants sont réveillés à 5 h 30 du matin, se pointent à 6 heures avec leurs devoirs avant les chants du matin et le sermon, puis sont menés vers des séances de yoga à 8 heures, travaillent à la cuisine ou font du ménage jusqu’à midi, puis assistent à des cours — dont certaines sont des documentaires sur Nair. Il y a encore du yoga dans l’après-midi et la journée se conclut avec un sermon de soirée. Deux repas végétariens sont fournis.

Pour Lara Marjerrison, 49 ans, qui fait du yoga au centre Sivananda de Toronto depuis 17 ans, l’horaire brutal du cours demandait que les étudiants se supportent entre eux, résolvent leurs conflits et apprécient l’idéalisme de chacun. « Nous n’avions pas la possibilité de nous en aller », a-t-elle dit par téléphone, « Je me rappelle clairement regarder la grande salle de yoga et voir cent postures sur la tête parfaitement alignés, magnifiques, et l’harmonie qui émanait de cette vision et de chaque personne dans la salle et combien nous avions changé. C’est quelque chose que je n’oublierai jamais. Pour moi, c’était un microcosme de ce qui est possible dans le plus grand monde. Si nous voulons rester les uns et les autres. Cette paix est possible si nous pouvons juste nous asseoir dans l’inconfort de nos différences et communiquer entre nous avec respect et dignité, reconnaître ce qui fait mal, reconnaître ce qui nous effraie ».

« Jaya » ne veut pas que son vrai nom soit utilisé par peur de possibles répercussions. Elle a pratiqué au centre Sivananda pendant 20 ans, et elle croit que la hiérarchie du groupe est maintenant son talon d’Achille. « La structure d’autoritarisme vous fait sentir comme un mauvais enfant à l’école, », dit-elle au téléphone, « et parce qu’il y a plein d’autres mauvais enfants avec qui vous vous entendez, vous êtes retourné vers cette forme de folle transgression infantile et euphorique. Nous rions comme des fous à propos d’un swami en particulier. Nous l’appelions Darth Vader, avec sa coupe de cheveux et ces lunettes, à cause de sa rigidité ».

Les tours pendables faisaient partie de ce qui ramenait toujours Jaya. « Mais maintenant, », dit-elle, référant à la crise Salter, « ce sont vraiment de mauvais traitements. Nous le savions, car nous voyions comment ils traitaient certaines personnes du personnel permanent. Leur autoritarisme nous unissait et nous les tenons responsables en tant que groupe ».

 

 

La publication de Salter est apparue un mardi. Le vendredi suivant, le conseil d’administration de Sivananda publiait un communiqué prenant acte du témoignage, faisant allusion à leurs politiques et procédures et demandant à toute personne avec des allégations de les envoyer par courriel à Communications Avenue. Pendant la fin de semaine, les fêtes de Noël prévues dans de nombreux centres dans le monde ont été annulées et remplacées par des « satsangs » ou conférences qui aborderaient la nouvelle et permettraient des questions. À Toronto, les personnel aux réunions portaient apparemment des t-shirts disant « Unis nous vivons ; divisés nous mourons ». Un membre a reporté sur Facebook que le nom et le portrait de Nair fut retiré des chants matinaux aux locaux de Val Morin.

À New York, Ashley (qui a aidé à négocier les débuts des griefs de Salter en 2005) a ouvert la réunion de soirée avec un récit hagiographique des vertus de Nair, allant jusqu’à citer Nair lui-même à propos des dangers du pouvoir, de la corruption et de suivre un guru.

« Il y a maintenant plusieurs accusations qui sont sorties. », a dit Ashley, selon un enregistrement audio de la rencontre qui fut publié en ligne. « Je n’ai aucune idée si ces accusations sont vraies ou non. Ce n’est pas à moi de le dire. Je crois que si swami Vishnu était ici, il dirait “Ceci est vrai, cela n’est pas vrai” et il serait le premier à s’excuser, et je ne peux m’excuser pour quelqu’un…. »

« Il n’y a absolument aucun moyen que je sache cela, et je ne connais personne d’autre qui le sache à part peut-être les personnes qui étaient là. Et même pour les personnes qui étaient là : après 35, 40 ans, le discours change. »

Le reste des 90 minutes de la rencontre a consisté en un groupe de membres — principalement des femmes qui ont mentionné des décennies d’expérience dans le groupe — bombardant Ashley de questions sur ce que le conseil d’administration savait de l’expérience de Salter et sur les processus de responsabilisation que l’organisation allait suivre.

« Je crois que c’est tout simplement trop facile de publier quelque chose sur Facebook » a relancé Ashley. « Les gens partagent certaines de leurs expériences et cela devient un procès, un juge, un jury et c’est de la folie ».

Il a tenté de conclure le rassemblement sur une note de conciliation. « En ce qui concerne votre traitement », dit-il, « cela est très douloureux pour nous tous. Si vous avez des blessures personnelles qui sont survenues en relation avec l’organisation, je ressens beaucoup de peine pour vous pour cela et le fait que les choses se sont produites et si elles n’ont pas été résolues, nous aimerions tout résoudre ».

« Le conseil d’administration n’a pas du tout permis la corruption. Tout ce que le conseil d’administration sait, nous agissons. Lorsque nous ne savons pas ce qui se passe, alors nous n’agissons pas. »

Ashley a terminé la réunion en dirigeant le groupe dans un chant de om. Il n’a pas répondu à une demande directe de commentaire.

Les deux femmes qui ont publié sur Facebook que Reddy les a harcelées sexuellement ont réitéré leurs histoires dans des entretiens. Elles ont toutes deux demandé à ce que leur nom demeure secret, l’une citant des craintes de confidentialité alors que l’autre craignait des représailles de l’organisation. Les deux ont décrit que Reddy les a harcelées pendant qu’elles faisaient du karma yoga, pendant les formations qu’il dirigeait dans des ashrams de deux pays différents.

Une femme a décrit comment le harcèlement a mené à des accolades et attouchements à répétition alors qu’elle était seule, à nettoyer le temple. « Il ne n’a pas demandé “Est-ce que tu me veux ? Est-ce que tu m’aimes ?” Non, il venait simplement et le faisait simplement ». Elle dit l’avoir fermement repoussé lorsqu’il a explicitement demandé pour du sexe.

« Je ne veux pas que ceci se continue », a dit l’autre femme. Elle a décrit comment le Reddy camouflait son harcèlement sexuel en apparence d’offre de conseils spirituels ou de physiothérapie dans les rencontres privées avec les étudiants, qui sont principalement des femmes « Mon intention en rendant cela public est de changer ce type de comportement », a dit l’une. « Cela signifierait que cette personne démissionne et obtienne de l’aide appropriée ».

« Ce sont vraiment de mauvais traitements. Nous le savions, car nous voyions comment ils traitaient certaines personnes du personnel permanent. Leur autoritarisme nous unissait et nous les tenons responsables en tant que groupe. »

Les deux femmes ont dit avoir transmis leurs plaintes aux responsables de Sivananda, elles ont été référées à une avocate de New York nommée Lanny Alexander comme un genre de médiatrice pour l’organisation. Une femme a dit que Alexander l’appelait à des heures bizarres, lui demandant de prouver ses allégations et, éventuellement, disant que si la femme ne comptait pas intenter une poursuite il n’y avait rien à discuter. L’autre femme a refusé de contacter Alexander. Aucun des témoignages n’a apparemment été pleinement enquêté par une organisation ou une compagnie associée avec le conseil d’administration de Sivananda.

Ashley a identifié Alexander durant sa présentation de New York comme une étudiante dédiée de l’organisation qui a géré des plaintes pour « les 15 dernières années environ », mais qu’elle ne jouerait plus ce rôle, car elle était « trop proche de l’organisation ».

Communications Avenue, la firme de relation publique a confirmé dans un courriel qu’Alexander travaille avec l’organisation pour développer et promouvoir des politiques de harcèlement sexuel et « a aidé dans des enquêtes d’allégations de mauvaise conduite sexuelle » pour les centres de yoga Sivananda. Dans un courriel de suivi qui demandait si Alexander avait une formation spécifique en matière de sensibilisation aux traumatismes, Communications Avenue a répondu que l’organisation « se fie à d’autres professionnels externes en relation avec l’aide psychologique et traumatique ». Lorsque a été demandé qui étaient ces professionnels, un porte-parole a répondu « Je ne crois pas que ce soit approprié que je vous fournisse cette information ».

Alexander n’a pas répondu aux questions à propos de sa relation avec les centres de yoga Sivananda, de sa formation professionnelle ou sur comment fonctionne le processus de griefs.

Les semaines qui ont suivi depuis le 10 décembre n’ont pas été faciles pour Salter. Dans les retombées de sa publication, « Mon corps est entré en mode de réponse de stress intense », a-t-elle dit. Elle a décrit être fiévreuse, incapable de dormir, ni de manger, perdre ses cheveux. Lentement, par contre, elle gagne de la force, soutenue par son partenaire, allant faire de longues marches hivernales et se tournant vers des activités réconfortantes et manuelles comme le tricot et le crochet.

« Je veux un endroit sûr où les gens sont écoutés, pas rejetés, ou traités comme jetables. », a-t-elle dit. « À un autre niveau, c’est comme “Fais avec cette histoire !” Je ne suis plus vraiment intéressée par ce groupe spécifique de yoga ».

Pour Kyssa, l’ouragan d’activité en ligne a été épuisant. Mais elle décrit aussi le processus de reprise de contact avec d’autres survivantes et de parler clairement à propos de son passé comme une sensation d’un « film qui commence en noir et blanc, puis la couleur arrive soudainement. »

« C’est tout un effet de retrouver ton énergie familière », a-t-elle dit. « Je pensais que j’étais simplement vieille. Je veux dire — je suis vieille. Mais ce qui arrive c’est cette forme de vitalité familière qui parcourt à nouveau mon corps. De moi. C’est fantastique. C’est fantastique ce qui arrive ».

 

 

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Matthew Remski est un professeur de yoga et un écrivain vivant à Toronto. Si vous avez des informations que vous voudriez partager à propos de votre expérience avec les centres de yoga Sivananda, vous pouvez le contacter à [email protected].

 

 

 

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Matthew Remski est un professeur de yoga et un écrivain vivant à Toronto. Si vous avez des informations que vous voudriez partager à propos de votre expérience avec yoga Sivananda, vous pouvez le contacter à [email protected].

 

Si vous souhaitez soutenir le coût de cette traduction – et éventuellement des traductions dans d’autres langues – veuillez envisager de faire un petit don ici.

 

 

When The Goodness of a Yoga Group Comes From Those It Abuses

Here’s something I wasn’t able to fit into the Sivananda Yoga feature, because it veers into commentary/opinion, and because it would have stretched the word count beyond breaking.

There was a guest on Rachel Bernstein’s IndoctriNation podcast (can’t recall the name or find it now) who said something I’ll paraphrase: “The cult takes the best part of a person. It takes their altruism, their youth, their compassion, their discipline and drive to work. It clothes itself in this energy.”

It rang true in my own experience when I heard it. I remember how my own natural skills (and hopes) were mobilized and manipulated by the groups that recruited me. Now I feel like I’m understanding it on a deeper level.

When I report on institutional abuse in yoga and Buddhism I invariably discover that the survivors were stripped of time, attention, money, social capital, earning potential, bodily autonomy and dignity. Those spoils contribute to the total value of the organization. In a previous post I focused on the material assets derived from “karma yoga”, which would include facility maintenance, gardening, hospitality, cooking. To take Sivananda Yoga as the example, this would be everything that makes the possibility of the “yoga vacation” or a training programme a viable commodity.

I’m seeing now that it goes much deeper than that. I think the pictures curated for the article really let it sink in. In one image, we see Julie holding a coconut for Nair to sip. In another, we see her in an old-timey Indian phone centre, speaking on his behalf. (Few others could understand him after his stroke.) Staring at the images, I realized that my first impulse was to identify with her, but in relation to him: to feel the anxious compliance, to share in the hope that the service was adequate. Meditating like this instantly positions Nair as the moral or spiritual authority who we must wonder about, be concerned for, or fear.

But at some point I felt my brain click over into a different track. It’s not Nair who is the special person in these photographs, but Julie. He’s an old, debilitated man. He’s not why people were drawn to the organization, at least at that point. In earlier years he presents a puckish radiance that surely attracted some. But even then he was never alone. He was always surrounded by people who made him important by their presence. I suggest we look at them, first and foremost, to try to answer: was it their attractiveness and altruism that made the organization what it was?

One picture that GEN didn’t print (see the lede, above) features Pamela Kyssa marching in a small group with Nair through the bullet-riddled streets of Belfast, on one of Nair’s “Peace Missions”. It’s the early 1980s. Kyssa is holding a pasteboard sign with a peace message carefully written out in Gaelic. I don’t know whether she knows Gaelic or had to learn it to write it out. But I do know that Nair walking through those streets alone would not have been a story. There’s a strong young woman beside him, holding a sign in the language that makes his message communicable.

It’s not just Julie’s labour, attention, and so on that was exploited. It was her virtue, service, and faith in ideals that Nair couldn’t uphold, and for all we know, never believed in himself. It was her affect, her visible devotion. More than Nair’s face or voice or words, I believe these goodnesses constitute the core social and economic value of Nair’s organization.

This misattribution of value is plainly visible in other cases of institutional abuse. Sarah Baughn’s devotional athleticism was the face of Bikram Yoga for years, during which time Bikram raped her. Karen Rain’s superhuman focus in the famous Ashtanga Primary Series video helped to market the practice — deceptively, because the video showed no “adjustments” — to the global market. Jois assaulted her regularly. Leslie Hays’ “promotion” to “spiritual wife” of Trungpa Rinpoche (one of seven) allowed the organization to consolidate its branding as traditional-yet-edgy, transcendent of “conventional” morality, etc.

When people accuse these women of trying to “destroy” their former organizations by coming forward with their abuse disclosures, they are delusional. They have it backwards.

Julie isn’t destroying Sivananda Yoga. If people still come to those ashrams, it’s because of the energy that people like Julie invested and displayed. If people come, it is despite the institution and its abuse, which all the karma yoga concealed. Julie and others alongside her literally built the organization. They formed its moral and altruistic core. It’s exactly this that elevates those ashrams and retreat centres above the level of rather shabby vacay spots.

At the height of the Ashtanga Yoga crisis, an Ashtanga practitioner named Dimi Currey wrote the following about the centrality of the survivor to organizational “success”. I quoted her in my book on p. 88. .

These women’s suffering is as much a part of why we have Ashtanga today, as David Williams’, or Norman Allen’s contributions. [Williams and Allen are early Jois students.] If these women had filed charges back then (and there were some that wanted to), maybe the system would not have spread as it has? These women suffered through it, in some ways sacrificing themselves for what seemed to be a greater cause. And the system has lived on.

Now those women who were hurt, would like the wrongs done to them to be recognized. It doesn’t seem like any of them are out to publicly shame others regarding the situation. Only that their suffering be recognized, so that steps can be taken to insure that others are not hurt as they were. I think there should be some action—very clear action taken to recognize this. I think it should become part of the history of the lineage. It is the truth. History is supposed to be factual.

So, maybe we should know the faces and names of these women who were hurt by P. Jois, but carried on the lineage? Because, it is in part due to their suffering that we have Ashtanga today. Maybe instead of his picture in studios, on altars, etc. Maybe it is their pictures that belong there.

There is a continuing irony in all this:

In uncovering the facts of institutional abuse, survivors actually continue their selfless service to the organization and its ideals. Their activism actually embodies the stated goals of the group, better than the group ever did. They become leaders. In addition to reparations, they deserve consulting fees.

My sense is that this continuation of labour sometimes seems to show that the good will and zest for life that they brought to the group may not have been entirely erased.

In cult studies there’s this idea that the pre-cult self may not ever be entirely killed off, and that re-acclimating to the outside world — and especially to former relationships — may well resuscitate it from its dissociative sleep. Alongside this, the skills and talents that the group exploited might re-emerge to support that reconnection.

In my case, the groups I was in sought to exploit my writing skill. Both did so so successfully that after six years I couldn’t do my own writing. I no longer had an internal voice. I couldn’t string two sentences together. It took me about a decade to begin to feel like I had a voice again, an internal coherence I could call my own. It’s significant that I knew a major part of that healing was done when I started writing about cults. At that moment, a certain natural flow returned, and the content itself lifted me out of isolation, connecting me with other survivors, but also writing friends who knew me from before, and recognized me again.

But it’s not just about the pre-cult self. There are also positive skills and connections that people make within groups, and which sustain them after leaving.

The big one for me is cooking. Some of the most fun I’ve had in my life was learning how to cook for 300 people with my friend Rupi, who was a cooking genius. To this day that exuberant love gets stirred into every meal I make for my family.

My bet is that the Sivananda karma yogis, who bonded over the ideals of selfless service that their leaders may not have even have believed in, may find that the joy they took in the skills the group exploited can return to them. If they entered with accounting skills that the group used, it’s possible that doing accounts for real clients in the real world will feel immensely satisfying again. If they were the ashram photographer they might now delight in new images.

And if they learned how to garden or do carpentry while in the group, they may yet take great joy in growing vegetables for the family or the neighbourhood, and in building that clubhouse out back for the children.

 

2019 Yoga/Buddhism Accountability Roundup | Like Waiting for Government Action on Climate Catastrophe

In the aftermath of Julie Salter’s viral testimony that Swami Vishnudevananda (b. Kuttan Nair 1927, d. 1993) sexually used and abused her for three years while she was his personal assistant, the Sivananda Yoga administration has released a number of statements, one of which asks other complainants to email a Montreal PR firm.

Here’s Salter’s testimony:

The International Sivananda Yoga and Vedanta Centres homepages now feature a pop-up statement, dated December 16th, committing to “honesty and transparency” and promising the appointment of an independent investigator within “a few days”.  This hasn’t happened yet.

On December 25th, 3H0 recording artist Snatam Kaur gave a concert of devotional music at the Sivananda Yoga Bahamas ashram with senior Sivananda dignitaries in attendance. She sat in front of a larger-than-life portrait of Nair, and opened by quoting her guru Yogi Bhajan, also accused of sexually abusing his secretaries who worked for years for little or no pay. In a 2017 interview, Kaur lauded Bhajan as  “very devout Sikh”.

 

Here’s the latest communication from the Sivananda administration:

Sivananda students around the world — including the reported 45K graduates from the organization’s signature Teacher Training Course — who are wondering how the accountability process may unfold might benefit from a brief review of institutional abuse crises in the yoga and Buddhism worlds from this past year alone, and how the organizations have responded.

 

Ashtanga Yoga

The publication of my book this past March brought together the testimonies of sixteen women who describe Ashtanga Yoga founder Pattabhi Jois sexually assaulting them under the guise of “yoga adjustments” between 1982 and 2002. Prior to the book, Jois survivors Anneke Lucas, Karen Rain, and Jubilee Cooke had all published their testimonies independently. Rain and Cooke went on to publish what is now the white paper on how yoga institutions should respond to abuse.

The story was covered in a Yoga Journal personal essay, and then mainstream outlets like the New York Daily News. The New York Times touched on the story as part of a longer feature in November.

While some individual Ashtanga leaders have published statements of accountability and allyship with the Jois survivors, no official statement has been made to date by the Jois family or by any entity that would represent Ashtanga Yoga worldwide. Sharath Rangaswamy, Jois’s grandson and inheritor of the family business, issued a rambling personal statement on Instagram that’s now deleted. (Reprinted here. More commentary here.)

No-one in the Ashtanga world has taken steps to commission an independent investigation, or to raise reparations funds for survivors. Meanwhile, senior Ashtanga figures like Eddie Stern continue to obfuscate what they knew and when.

 

Iyengar Yoga

IYNAUS and RIMYI (two influential arms of the Iyengar Yoga global body) gather together considerably more administrative power than anything found in the Ashtanga world. After their botched attempt to internally investigate testimony against Manouso Manos was exposed, they hired an independent investigator who found the testimony credible.

IYNAUS and RIMYI delisted Manos, and barred him from using the name “Iyengar” in association with his continued teaching. He’s doing it anyway in Russia. Recently, he gave a workshop at a secret location in Los Angeles, attended mainly by other Iyengar teachers:

No concrete efforts have yet been made by the organization to raise reparations funds for survivors.

 

Shambhala International

Ten months after an independent investigation found that Shambhala leader Mipham Mukpo had committed sexual misconduct (even though many people refused to participate in the investigation), the Shambhala Interim Board has announced that it supports the return of Mukpo from “retreat” in Nepal to bestow Tantric initiations on devotees this coming summer. The initiated practices involve participants visualizing Mukpo as a divine being.

The announcement also comes after a group of Mukpo’s former aides released a scathing description of his assaultive behaviour over the years.

In Mukpo’s own statement of intentions regarding the upcoming retreat, he makes no mention of the testimony against him, nor of any steps he has taken to mitigate further harm. Survivors and disillusioned members mocked Mukpo’s statement on reddit.

While Shambhala entities continue to fundraise for various projects, no concrete efforts have yet been made by the organization to raise reparations funds for survivors.

 

Bikram Choudhury…

…is making money on the lam in Mexico, even after the airing of the Netflix doc, which added visuals to the far better-researched 30-by-30 podcast of the previous year.

There’s a warrant out for Choudhury for failure to pay the first of what will likely be many judgments against him.

No concrete efforts have yet been made by the organization to raise reparations funds for survivors.

 

Rigpa International

Sogyal Lakar died in exile in August. The year before, an independent investigation found that Lakar had sexually, physically, and psychologically abused many students over decades. The report came one year after eight former devotees described their experiences.

No concrete efforts have yet been made by the organization to raise reparations funds for survivors.

 

Takeaway

Even when organizations do a seemingly good job at investigating and confirming abuse testimony, we’re not seeing mitigation and reparations. For members of the Shambhala, Iyengar, and Rigpa communities, this might feel especially demoralizing — that the organizations to which many have committed the best years of their lives have mounted transparency campaigns that ultimately allow for the return to business-as-usual.

Opinion: It’s really like waiting for world leaders in the Global North to take decisive action on the climate crisis. They have the science, yet they are powerless, feckless, or nihilistic in response to the momentum of the culture. Whatever initiatives are taken are ineffectual or performative.

I don’t have answers here, but the stalemate does make me think of two things: how cultic organizations are designed to self-perpetuate in part by restricting outside input and avoiding outside scrutiny. Secondly, it makes me think of the distinction that activists like Aric McBay make between those who believe that corrupt systems can change, and those who don’t. I’ll end therefore with two grafs from McBay’s Full Spectrum Resistance.

Many of our [organizing] obstacles have been part of the culture(s) of the left. So I should clarify some of the terms I’ve been using, especially liberal and radical. Some people use radical as a synonym for “extreme,” but that’s misleading. The word radical originates in Latin, where it means “of the roots”—as in, from the grassroots, or root problems. Radicals see the dominant culture as having deep-seated problems that require fundamental changes to fix. They want to uproot entrenched power structures like apartheid, or patriarchy, or capitalism. As such, they tend to advocate (or at least support) political action that falls outside of what the political establishment considers acceptable. (Phil Berrigan’s argument that “if voting changed anything it would be illegal” is something radicals understand well.)

Liberals, in contrast, see the problems in society as comparatively superficial. They accept most of the established power structures of society—say, corporations or the parliamentary state—and they seek to work within those structures to make change. Liberals try to use “representative” systems of political power, either by electing someone sympathetic to them or by persuading someone already in power to grant concessions. Radicals may do this, at times, but radicals also like to build up their own community power and create movements that can exert political force more directly.

— Loc. 803.

 

So: here’s to a radical 2020 for our spiritual communities, and life on earth.